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/ École d'urbanisme et d'architecture de paysage

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Virginie LaSalle imagine des lieux de vie pour personnes autistes


Crédit: Getty

Concevoir des habitations pour des personnes autistes est un défi majeur: certaines sont hypersensibles, d’autres hyposensibles; certaines aiment être accompagnées dans leurs activités, d’autres préfèrent demeurer seules autant que possible. «C’est une clientèle extrêmement diversifiée dont les besoins présentent une grande complexité, difficile à décoder pour le concepteur de l’environnement bâti. Comment leur assurer un bien-être tout en garantissant leur sécurité et celle du personnel qui les encadre?» expose Virginie LaSalle, professeure en design d’intérieur à l’École de design de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal et membre du Laboratoire d’étude de l’architecture potentielle.

Si elle n’a pas toutes les réponses, elle vient de se voir attribuer les moyens d’en obtenir quelques-unes grâce à un financement du programme Audace du Fonds de recherche du Québec ‒ Société et culture (FRQSC). L’équipe qu’elle dirige a reçu 127 000 $ pour son projet intitulé Concevoir des lieux avec, par et pour les personnes autistes.

C’est après avoir formulé des recommandations aux créateurs de la première maison pour autistes de 21 ans et plus du Québec, actuellement en construction à Varennes, qu’elle a eu l’idée d’intégrer les principaux intéressés à chaque étape du processus de conception. Cette étude interdisciplinaire est réalisée en collaboration avec les professeurs Daniel Pearl (architecture) et Jeanne Lafon (urbanisme et architecture de paysage), de la Faculté de l’aménagement de l'UdeM.

Un autiste, Mathieu Giroux, est entré dans l’équipe à l’élaboration du projet de recherche et il y demeurera à titre de collaborateur. Le Dr Beaudoin Forgeot d’Arc, un psychiatre spécialiste de l’autisme, et le professeur Vincent Larivière (sciences de l’information) complètent le groupe.

Peu d’études

La littérature scientifique est actuellement assez pauvre en matière de constructions conçues pour les autistes et les recherches sur le sujet sont rarement validées dans une collaboration avec ces personnes. On sait qu’il faut en général adapter les ambiances afin d’éviter de stresser les occupants d’un immeuble où habitent des autistes. Lumières tamisées, sobriété dans le design et le choix des matériaux sont des éléments qu’il faut prendre en considération.

Comme la possibilité pour les résidants de se réunir en petits groupes. On croit que des espaces verts gagnent à être inclus aux plans.

Le projet de Varennes par exemple (financé par la Fondation Véro & Louis) se caractérise par des regroupements d’occupants partageant un salon et une salle de bain, intégrés dans un immeuble plus vaste offrant des aires communes à tous ‒ salle à manger, salles d’activités sportives, d’ateliers ‒ tout en demeurant à échelle humaine. Dans ce projet qu’a conçu l’atelier TAG, cofondé par l’architecte Manon Asselin, quatre personnes autistes seront logées dans chacun des petits «appartements» reliés les uns aux autres.

Outre quelques exemples aux États-Unis, on compte peu de constructions destinées spécifiquement aux personnes autistes et susceptibles de servir de modèles.

Comme on peut le lire dans le résumé qui a été envoyé au FRQSC, cette recherche «propose une orientation scientifique unique en élaborant un procédé à trois étapes qui se conjuguent, pour comprendre, évaluer et inté́grer aux pratiques de conception les facteurs favorisant le bien-être des personnes autistes. Son approche novatrice se distingue en inversant les paradigmes dominants et en plaçant des personnes autistes en position de pouvoir par leur statut de coconcepteurs et de partenaires».

On souhaite pouvoir mettre sur pied des «pratiques de conception innovantes, rigoureuses et ancrées dans des savoirs expérientiels, nécessaires aux développeurs de milieux de vie inclusifs, conçus en considération de la neurodiversité et adaptés à la pluralité des occupants».

Mieux loger les aînés

Avant de s’intéresser à ces lieux de vie adaptés, Virginie LaSalle a étudié l’espace architecturé du centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), majoritairement occupé par des aînés. Elle est très sévère à l’endroit de ce type d’habitation. «Dans les différents types de bâtiments que j’ai étudiés, l’architecture contribue largement au manque de sens du chez-soi ressenti par les résidants.»

Ainsi, l’occupant d’un CHSLD moyen n’aura pas la possibilité d’avoir le contrôle sur son environnement immédiat; selon l’organisation des lieux, c’est le personnel qui détient ce pouvoir. «Habiter chez soi, c’est pouvoir recevoir des amis, des proches lorsqu’on en a envie. C’est aussi pouvoir se retirer, être complètement seul si on le souhaite. Or, rien n’est prévu pour donner cette possibilité aux résidants.»

Virginie LaSalle précise qu’elle n’a pas une liste de solutions à proposer pour corriger ces lacunes, notamment en raison de la complexité de la conception de ce type de milieu, qui est à la fois milieu de vie, milieu de soins et milieu de travail. Mais elle souligne qu’il faut davantage penser au sens que revêt l’habitation en tant que chez-soi dans l’esprit et l’expérience des gens qui l’occupent pour élaborer des solutions d’aménagement qui lui correspondent plus justement.